Petite histoire du ski nordique plus ou moins large

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Petite histoire du ski nordique plus ou moins large

Quand on évoque le ski de randonnée nordique, on a souvent l’image de skis étroits qu'on se représente comme étant traditionnels. Or, l'histoire du ski est tout autre. Voici le premier volet d‘une série en quatre épisodes qui va bousculer vos préjugés.

Quand on évoque le ski de randonnée nordique, on a souvent l’image de skis étroits qu'on se représente comme étant traditionnels. Or, l'histoire du ski est tout autre. Premier volet d‘une série en quatre épisodes qui va bousculer vos préjugés.

Amundsen-stort.jpg1925 : Roald Amundsen et Lincoln Ellsworths en exploration au Svalbard avec des skis nordiques pas très fins.

Les origines du ski

Certains étymologistes qui se sont penchés sur le sujet, verraient volontiers la racine du mot ski prendre naissance aux confins de l’Altaï. La pratique comme le mot seraient partis de ces montagnes pour se répandre dans l’ensemble de l’Europe et de l’Asie du nord. Côté preuves archéologiques : une paire de ski retrouvée proche du lac de Sindor en Russie serait datée entre 6300 et 5000 ans avant JC, et la célèbre peinture rupestre de Rodoy en Norvège aurait été réalisée entre 4000 et 5000 ans avant JC.

rodoy.jpg

Une chose est sûre, du Kamtchatka à la péninsule scandinave, la pratique du ski pour les activités de chasse ou de conquête de territoire ne date pas d’hier. Cette vocation utilitaire du ski n’enlevait rien à son côté agréable voir ludique. Il existe en effet des témoignages très anciens chez les Hans dans la province du Jilin qui atteste d’une pratique récréative et même d’une tradition de compétition de ski en fin de campagne de chasse hivernale.

Dans l’ensemble, tous ces skis ancestraux sont des skis larges. Les modèles Samoyèdes atteignaient 20 cm de largeur. En Slovénie, au XVIIème, les paysans se déplaçaient sur des planches de 15 cm de largeur pour 1,5 m de longueur. Ce n’est pas banal, car il semble que si la ressource est un tronc d’arbre et que l’outil est une hache, il est plus délicat de parvenir à obtenir de belles planches larges que de belles planches étroites. Ce qui laisse entendre que c’est bien le caractère large des skis qui était recherché.

Développement du ski de loisir

A partir du milieu du XIXème, le ski en tant que pratique de loisir se développe dans la bourgeoisie Scandinave. Fin du XIXème, début du XXème, le ski fait son apparition dans nos montagnes. En France, comme en Allemagne, en Suisse, en Autriche ou en Italie, il remporte auprès des locaux une assez vive adhésion. Il y a, d’une part, le sens pratique qu’il apporte dans les déplacements en hiver, et d’autre part, la dimension de loisir qui fera émerger également les premiers concours de ski.

IMG_9239.jpgSur cette photo, les 4 plus vieilles paires de ski jurassiennes du musée du Grand Tétras de Mr Tinguely. Le ski du bas est daté de 1903, ses côtes sont généreuses : 100mm en spatule 90mm au patin et au talon.

Le montagnard de l’époque dispose en général d’une paire de ski à tout faire. Ce sont les mêmes skis qui servent pour les déplacements en semaine (tournée du facteur ou du médecin de campagne), et le week-end pour des balades, des concours de fond, de saut ou de descente. La plus part des skis que l’ont peut retrouver et qui datent d’avant la Seconde guerre mondiale ont été conçus de façon artisanale : soit par le skieur lui-même, soit par le menuisier du coin. Cette dimension artisanale donne une belle flexibilité pour tenter d’innover et d’adapter le matériel aux contraintes topographiques ainsi qu’à différentes conceptions de la pratique.

- En Autriche Mathias Zdarsky, dépositaire d’une méthode de ski pour apprendre sans tomber préconisera de raccourcir les planches jusqu’à 1m80 .

- Dans la méthode de l’Arlberg en 1920, on écrit qu’un ski à 80mm au patin semble être ce qu’il y a de mieux pour bénéficier de la plus grande polyvalence.

IMG_9244.JPGChaque paire est unique, on trouve une belle diversité dans les formes. Certains modèles font également dire que le rocker ne date pas d’hier.

De 1900 à 1940, c'est un ski large et à tout faire qui prédomine dans nos campagnes, à l’image de cette belle série de skis bois exposés au musée du grand tétras sur la photo suivante. Les lignes de cotes moyennes sont de 90/70/80, ce qui est globalement plus large que les skis alpins de compétition des années soixante-dix et quatre-vingt.

L'emprise du ski de compétition

En 1901, les premiers jeux nordiques sont organisés à Stockholm. Au programme, des épreuves multi-sports d’envergure internationale qui seront disputées à 8 reprises entre 1901 et 1926. C’est l’ancêtre des jeux olympiques d’hiver, même si les participants demeuraient très majoritairement scandinaves. En ski, on trouve des épreuves de saut, de ski de fond, de descente et de combiné nordique. Elles étaient codifiées, et assez rapidement, les enjeux amenèrent une certaine évolution dans le matériel : on commence notamment à développer des skis plus fins dédiés à la performance dans les épreuves de ski de fond.

L’entrée dans l’univers de la compétition amène donc une dimension nouvelle dans le développement du matériel. On commence à réfléchir la conception de celui-ci, pour accroitre les performances à haut niveau alors qu’auparavant il n’évoluait qu’en validant les innovations à même de faciliter, et de rendre la pratique plus agréable. Ce sont là deux logiques de réflexion très différentes. Les innovations issues de l’univers de la compétition peuvent avoir des applications intéressantes dans le cadre d’une pratique de loisir, mais tout n’est pas forcément bon à prendre.

Johan_Grøttumsbråten (1).jpgChampion olympique à Lake Placid (1932), Johan Grottumsbraten dans une mauvaise posture, mais où l’on voit bien des skis sans doute comparables aux Outback 68 ou aux BC70.

Au sortir de la deuxième guerre mondiale, on considère qu’un bon ski de fond de compétition a des lignes de côtes à 70/60/65mm. A l’époque il n’existe pas encore d’engins de damage et les parcours de compétition de ski de fond sont simplement tracés par des ouvreurs qui préparent la trace.

Les premiers dameurs apparaissent sur les courses de ski de fond dans les années 60 ce qui permet d’affiner encore les lignes de côtes des skis nordiques de compétition. Dans la même période, la production artisanale des skis disparait et avec elle on perd les vieux skis bois large à tout faire. Car pour l’industrie du ski, le principal moteur de recherche et de développement est dans la quête de meilleures performances dans l’univers de la compétition. La mise en lumière du champion de ski qui affichera leur marque est un gage de reconnaissance pour le grand public.

Sans titre.jpgAnnées 80 : l'arrivée des skis de randonnée nordique avec des côtes étroites.

Cette emprise du ski compétition sur la pratique du ski nordique restreint le champ d'application, car ce n'est pas en cherchant à accroitre la performance dans une activité spécifique qu’on élabore un matériel ayant un intérêt par rapport à sa nature polyvalente. Pour remplacer les vieux skis bois à tout faire des artisans locaux, l’industrie du ski s’est mise à produire des skis de randonnée nordique calqués sur les standards des skis de fond de compétition qui existaient avant l’utilisation des engins de damage.

Et aujourd'hui alors ?

Le matériel de SRN est toujours une affaire de compromis.

On a tendance à qualifier les SRN fins comme étant les skis traditionnels. Au regard de l’histoire du ski, les skis fins ne sont le fruit que d’une tradition très récente que l’on doit à l’industrialisation de la production des skis, dont les logiques de développement et d’innovations ont toujours été principalement centrées sur les intérêts des compétiteurs en ski nordique.

Avant cette situation de monopole des grands fabricants de ski, on trouvait des skis larges dans toutes les granges. Ce n’est pas que les skieurs de l’époque n’avaient pas conscience des performances de rendement au plat et en montée d’un ski fin. C’est juste qu’ils plaçaient le curseur du bon compromis entre qualité en montée et en descente sur un plan différent de celui qui nous a été imposé par les marques de skis durant quelques décennies.

Ainsi, le ski de rando nordique large n’a pour ainsi dire rien de moderne ou d’innovant, ce n’est que la résurrection d’une tradition longuement éprouvée et pluriséculaire.

A suivre, l'épisode 2 : "Quels intérêts à revenir sur des spatultes larges en ski nordique ?"

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