C'est vraiment heureux que ces sujets importants soient évoqués dans un forum parlant de SRN…
En effet, notre activité est une des plus "nature" qui soit, et quel soulagement : même si l'on trouve ici beaucoup de sujets techniques, qui traitent de matériel, d'organisation de raid, de duvets et autres réchauds, on trouve quand-même des acteurs du forum qui mettent le doigt sur l'épine de la pratique…!
Car le nerf de la guerre est là.
L'homme dans la nature, la bête contre les bêtes, le vilain petit canard face à la biche aux yeux bleus…
Il y a autant de pratiquants que de pratiques :
les fervents défenseurs de la nature, qui souvent la méconnaissent et souhaiteraient voir tous les espaces naturels sanctuarisés…
Les professionnels de la montagne, qui investissent le territoire pour faire découvrir la nature à leurs clients dans un esprit de respect et d'éducation environnementale.
Nous avons bien-sûr les chasseurs, qui se targuent souvent d'être les "gentils" protecteurs des oiseaux…
Nous avons aussi des gens perdus, des ignorants ou des "j'm'en fous je fais c'que j'veux"…
Des sportifs, loin des préoccupations de tranquillité de la gélinotte…
Des photographes…
Des vacanciers…
Des bûcherons…
Des agriculteurs…
Des bergers…
Des gardes…
Des motos-neige…
Bref, nous sommes partout, tout le temps, à la fois parasites et acteurs protecteurs de cette nature.
Force est de constater que le plus grand mal qu'on ait jamais fait à la nature, c'est de mal la connaitre…!
Comme le dit Sancho, l'homme a sa place comme tous les animaux, il en fait partie… Seulement, combien d'êtres humains pénètrent en forêt avec les yeux et les oreilles ouverts…?
Combien de gens trouvent tout naturel d'aller faire un tour avec leur chien pour se détendre, mais n'imaginent pas un seul instant le carnage émotionnel que celui-ci peut provoquer en quelques minutes chez les habitants de la forêt…?
Qui peut imaginer qu'un petit tour à ski pour profiter du paysage et de la neige peut être en réalité une grande agression…?
Le problème n'est pas notre omniprésence dans la nature, mais bien notre manque de connaissance et d'adaptation au milieu qui est source de dérangement.
Sur 100 personnes qui croisent une belle trace de lagopède, seulement 10 verront seulement la trace, et sur ces 10, peut-être 3 sauront reconnaître l'animal…
C'est triste, mais nous faisons du mal par inadvertance, par ignorance des choses car la vie de l'humain aujourd'hui est bien éloignée de toutes les subtilités naturelles. Notre notion du calme et de la discrétion est à des années lumière d'un comportement responsable.
Imaginons une personne, tout à fait normale, détendue, désireuse d'aller prendre un coup l'air pour profiter d'un bon moment de neige fraiche… Les arbres sont chargés, magnifiques, les couleurs sont féeriques, presque irréelles : quel plus beau moment pour sortir les raquettes, et l'appareil photo…?!
La description est idyllique, pas l'ombre d'une menace, de méchanceté…
Et pourtant, cette personne peut-elle imaginer que sa belle veste orange fluo fera l'effet d'un monstre sanguinaire auprès du pic Mar…? Que son déodorant à la mode mettra le lynx dans tous ses états, en alerte rouge…?
Les gens ne sont jamais méchants, ne pensent pas faire de mal mais méconnaissent la nature au point de la trahir sans s'en rendre compte.
Le nombre grandissant de pratiquants "nature" est aussi un facteur aggravant de la situation. La surfréquentation et l'ignorance sont les principales "fautes" de l'humain qui profite des lieux…
Après, on a toujours tendance aux extrêmes…
D'un côté, il y aura toujours les acteurs économiques d'un territoire, qui poussent à l'intrusion de l'homme dans l'espace sans précaution, et de l'autre, les gestionnaires de réserves naturelles, qui vont pruner les gens à chaque rencontre en territoire ennemi interdit…!!
Le juste milieu existe, entre consommation facile et ignorante du plaisir et interdictions liberticides.
Le juste milieu est dans l'information, dans l'éducation environnementale des pratiquants.
A chaque location de raquettes, le loueur devrait avoir un rôle important de contact avec le client, un rôle informatif pour le respect de la nature et la connaissance du milieu.
Bonjour, vous voulez 5 paires de raquettes pour faire un tour… OK, c'est 10 balles la journée, merci, à ce soir…!
NON… :-x
Un tour de raquettes…? Quelle bonne idée.
Vous connaissez le coin? Où comptez vous aller? Je peux peut-être vous indiquer un chouette coin pour voir des chamois… Avec quelques conseils pour les approcher sans les gêner. Savez vous ce qu'est une zone de quiétude, pourquoi elle existe? Savez vous comment vous déplacer de belle manière, avec respect…?
C'est un peu l'image d'Epinal mais je ne pense pas qu'il y ait seulement de gros bourrins qui marchent dans la nature, seulement des gens qui manquent d'information et de sensibilité.
Respecter la nature et s'y promener demande expérience, culture, passion, patience, écoute…
Cela demande d'être réceptif et ouvert aux petits détails auxquels on ne porte plus attention dans nos vies d'humains déconnectés.
Le tétras-lyre n'a pas besoin de refuges pour s'abriter, mais juste de gens responsables et informés, qui sauront respecter son habitat et sa tranquillité.
La pression et l'indifférence des activités humaines sur la nature ne laisse malheureusement que peu d'espoir à un avenir serein.
Notre égoïsme dans la pratique est aussi responsable de beaucoup de maux…
Mais il ne faut pas non plus tout voir en noir.
Nous les hommes, avons une certaine tendance à croire qu'on est responsables de tout.
Nous devons sauver la planète car le climat change et se réchauffe…
Nous devons protéger le tétras car nos agressions le rendent vulnérable…
Nous devons réguler les populations de sangliers car ils se reproduisent trop vite….
Nous devons laisser des arbres morts en forêt car les chauve-souris s'y installent…
Nous devons analyser l'eau des torrents car les larves de phryganes sont en danger….
Hé les gens… Arrêtez un peu vos conneries, et sauvez vos plumes d'abord.
La planète se fout du réchauffement climatique et la vie s'adaptera…pas nous.
Sans nos pylônes de remontées mécaniques, le tétras gazouillerait et on n'en parlerait même pas.
Sans nos cultures intensives de maïs industriel, le sanglier ferait sa vie sans pulluler…
Sans notre sylviculture économique à rentabilité maximum, Batman aurait plein de copains chauve-souris…
Si on arrêtait de pousser à la rivière des tonnes de sel déversées sur les routes, pour que les touristes remplissent les parking des stations, les larves de phryganes n'auraient même pas eu leur nom dans les journaux…!
C'est très bien de faire des zones de refuge pour le tétras-lyre, et de vouloir protéger la nature, mais c'est nous qui devrions nous réfugier, et réapprendre à vivre de belle manière, avec elle et non contre elle.
Bon, je me suis un peu enflammé là, je suis désolé…