SRN thérapeutique à la Joratte France > Jura

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Ce secteur du Parc jurassien vaudois situé sur le plateau qui domine la vallée de Joux, dans la forêt de la Grande Rolat, bénéficie d'un bon enneigement et permet de skier en étant protégé du vent les journées de forte bise.

Cet endroit est de toute beauté, été comme hiver, avec ses murets de pierres sèches. On y trouvera de nombreux petits refuges forestiers où s'arrêter le temps d'une pause. L'absence de descentes marquées rend le ski facile et accessible à tous. Ce terrain de jeu est idéal pour le ski de randonnée nordique ou le ski-raquettes.

De bonnes capacités en orientation-navigation seront fort utiles sur ce terrain, c'est l'unique difficulté de ce secteur, excellente école de lecture de carte.

Départ du point coté d'altitude 1352 m. sur la route qui mène du Brassus au col du Marchairuz ( 46°33′57.586″N 6°14′03.928″E ).

Petit parking généralement déneigé à droite au début de la longue ligne droite entre Petite Rolat et Pré de Bière en venant du Brassus.

Durée : Demi-journée

Difficulté : Facile

Altitude de départ : 1352m

Altitude d'arrivée : 1352m

Dénivelée : +95m -95m

Altitude de chaussage: 1352m

Point le plus haut : 1385m

Pulka : accessible

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SRN thérapeutique, un drôle de titre mais un excellent remède.
Les effets retords de la maladie ont eu raison, hélas, de mon endurance ces dernières années. Mais j'ai encore la grande chance de pouvoir toujours profiter du bonheur de prendre des bains de nature sauvage,  en parcourant beaucoup moins de distance qu'auparavant et en adoptant une allure de limace.

Le ski est pour moi une sorte de remède ayurvédique.
Encore plus quand j'ai la joie d'en partager les bonheurs.
Le recours aux forêt me ressource, me donne des forces. Comme si un druide malin ou un chaman bienveillant me tendait une potion efficace dans le but de soigner mon âme d'homme moderne démolie par les effets collatéraux de la guerre économique.

Alors, waldgänger(1) volontaire, je retombe en enfance et m'imagine coureur des bois quelque part dans un Pays Perdu, comme dans les livres de Jack London ou James Oliver Curwood.

J'aime la forêt hivernale, ces temps de neige, ce grand blanc sauvage si typique du Jura, les épicéas enneigés et par dessus tout  cette sensation de liberté et de découverte ressentie en traçant hors de toute piste ou chemin balisé... quand il faut chercher sa voie, garder le cap ou retrouver la bonne route après un écart volontaire ou non.

Aujourd'hui j'ai sorti mes Annum, chaussé mes Svartissen. Le caoutchouc de leurs semelles couine à chaque pas dans mes fidèles et indestructibles fixations Riva.
Toutes les chaussures ne produisent la même musique. Les bonnes vieilles cuir traditionnelles de Montebelluna(2) sont plus discrètes avec leurs Vibram plus rigides. Heureusement, je ne suis plus un éclaireur-skieur devant traverser silencieusement les lignes ennemies pour envoyer du renseignement depuis son trou à neige. Mon usage du ski est pacifique. Quoique dans certaines contrées dépourvues de supermarchés, les skis restent utiles pour chasser et se nourrir l'hiver...

Mon but est de rejoindre la cabane de la Joratte (46°33′32.799″N 6°13′04.649″E), dissimulée des regards au-dessus d'une petite barre rocheuse surplombant le sentier reliant le couvert de la Sèche de Gimel à la combe de la Cerniat. J'ai eu envie aujourd'hui d'aller prendre mon repas dominical dans ce petit refuge forestier rustique, composé d'une porte, 2 fenêtres où une table, deux bancs et un agréable petit poêle à bois accueillent le visiteur de passage. Il est interdit d'y dormir, sauf en cas d'urgence.

Si l'on étudie la merveilleuse carte helvète au 25 000 ème, véritable bijou de précision, à l'image des célèbres mouvements des montres suisses fabriquées avec passion par les horlogers des ateliers de la toute proche vallée de Joux, aucun sentier ne mène à la Joratte. Mais même la plus précieuse des cartes ne doit être prise au pied de la lettre ou servir de viatique ultime. Une ancienne amoureuse flânerie estivale dans le secteur, ponctuée de tendres effusions au hasard de troncs couchés à terre m'avait permis de découvrir l'existence d'un chemin, profondément caché sous la neige par cette grise journée d'hiver.

Le cap à suivre nous entraîne en direction du Sud-Ouest, pile dans l’axe de la première combe dont la malice des mouvements de terrain met à rude épreuve l’accroche des écailles des skis dans cette neige profonde. Des ski-raquettes auraient été mieux adaptés au terrain et aux conditions du jour avec leurs peaux intégrées sous la semelle… car l’épaisseur du blanc manteau m'empêche de profiter des joies de la glisse, y compris dans les faibles descentes. Surgissant de la neige, les spatules des skis ressemblent à un brise-glace soviétique fendant la banquise dans les mers du Grand Nord.

Après presque 700 mètres passés à faire la trace à un rythme d'escargot dépassant à peine le kilomètre par heure, les murs de pierres sèches(3) recouverts de neige forment un angle... et je m'enfonce dans la forêt à travers une ouverture dans le muret frontal. Ces édifices typiques, marqués en pointillés sur la carte, constituent de solides points de repères, fort utiles aux vagabondages forestiers.

250 mètres plus loin, après avoir traversé le muret à ma gauche, sous le point coté 1388 m., je me retrouve dans un léger thalweg(4) que je suis, en légère descente, jusqu'à la hauteur de la Joratte.

Je croise un géant assis, endormi dans la position du penseur de Rodin, recouvert par la neige. Je prends garde de ne point le réveiller quoique les esprits de la forêt sont généralement d'humeur aimable avec le visiteur qui accepte de laisser son âme s'imprégner des bruissements de toute sorte sans s'affoler. La forêt me nourrit de son énergie bienveillante, recharge mes batteries, usées par le quotidien.

J'arrive à proximité de la Joratte, des traces laissées par un groupe de skieurs partent sur la droite et mènent à cette cabane cachée des regards à l'écart du chemin. Les écoles de ski locales aiment bien vendre des sorties "fondue" avec accès en ski-raquettes ou de randonnée nordique. Cela permet aux citadins de passage d'acheter un parfum d'aventure et de frissonner légèrement dans le froid sans avoir à apprendre quelques rudiments d'orientation et de déplacement hivernal. Les moniteurs du cru peuvent ainsi rester vivre au pays en engrangeant quelques sesterces bienvenues par ces temps de disette.

Ouf, il n'y a plus personne, mais le passage est suffisamment récent pour que le refuge ait conservé la chaleur du dernier feu. J'allume une bougie et réanime l'ancien foyer du poêle à grands coups de soufflet. A l'occasion de ma prochaine passage, je monterai un peu de bois sec qu'il me reste à la cave. Si d'aventure, il vous prend l'envie de déguster une fondue dans un de ces refuges forestiers, prenez un réchaud à alcool, cela évitera de consommer du bois précieux en hiver.

La pause va faire du bien.  Pour me rasséréner, je sors de mon sac ma flasque remplie d'une excellente grande liqueur de sapin médaillée d'or à la Foire de Paris de la distillerie Deniset-Klainguer sise à la Cluse-et-Mijoux. Une merveille que je regrette de ne pouvoir partager aujourd'hui.
Puis j'attaque mon déjeuner constitué d'un peu de chaumerand, excellent pain de la boulangerie de Longchaumois et d'un goûteux morceau de jambonneau dû  au talent du boucher-charcutier du même village. Il a choisi un beau nom pour son établissement qui sublime les remarquables cochons nourris au petit lait de la porcherie familiale : "Au bon porc du Haut-Jura".
Ne prenez pas cela pour une quelconque revendication identitaire, dans le plus pur style apéro saucisson-pinard aux fétides relents d'islamophobie, mais comme une marque de grande qualité gustative. Sa pancetta, son bacon sont des modèles du genre qui feraient frétiller de bonheur les papilles du grand Périco Légasse. Un peu de Bleu de Gex et de Comté de la fromagerie du même village clôtureront ce festin dominical.
Puis je digère en profitant du calme du lieu et du spectacle des flammes du poêle. Mon cerveau se laisse aller à une agréable et bienveillante méditation dans cet endroit préservé, calme et tranquille... loin du monde et de ses vicissitudes, le mot refuge retrouve son sens premier.

L'heure avançant hélas, et la tombée de la nuit se rapprochant, je décide de regagner notre triste monde.
Je ferme soigneusement la porte de la Joratte et emprunte ma trace de l'aller dans le sens inverse, les cuisses douloureuses.

Après de multiples pauses, sans doute dues à la fatigue ou à une subliminale dépression, je retrouve mon véhicule, impatient déjà, de repartir m'immerger à nouveau en pleine forêt hivernale.


(1) : waldgänger, mot allemand qui signifie "celui qui s'en va dans la forêt"... ce terme fait référence au livre d'Ernst Jünger, le Traité du Rebelle ou le recours aux forêts...
Cet extrait d'une conférence de Kenneth White, "Philosophie de la forêt" permet de mieux en saisir le sens : https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Le-Recours-aux-forets/ensavoirplus/idcontent/16904


(2) : ville italienne située dans la province de Trévise dans la région Vénétie, dans le Nord-Est de l'Italie reconnue pour le grand savoir-faire de ses cordonniers. A Montebelluna sont fabriquées de superbes chaussures en cuir pour la randonnée, la chasse, l’armée, le ski, le telemark… mais aussi des chaussures en plastique injecté. Les 3/4 des chaussures de ski du monde entier sortent des ateliers de la ville.

(3) : pour découvrir l'histoire des remarquables murs en pierre sèche, lisez ce remarquable document sur leur historique, issu du site http://www.histoirevalleedejoux.ch


(4) : thalweg : terme utilisée en topographie, vient de l'allemand, thal la vallée et weg le chemin; ligne formée par les points les plus bas d'une vallée. On le remarque bien en observant les courbes de niveau d'une carte. Un thalweg est toujours suivi d'une crête. Pour comprendre, le relief d'une zone et définir le bon placement de points d'observation, les militaires et les pompiers dessinent des chevelus sur des calques par dessus les cartes. Cela peut aussi être utile au skieur qui prépare une itinérance (voir un exemple en page 45 de ce document).

Météo

Vent, chute de neige, température froide...

Condition de neige

25 à 30 cm de poudreuse fraîche, fond regelé dans les clairières, un peu croûté en forêt par endroits.

Activité avalancheuse observée

Absolument aucun risque dans ce secteur forestier légèrement vallonné...

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