Ou et comment est fabriqué notre ''matos''?

La responsabilité sociale ne semble pas préoccuper les équipementiers actifs dans le secteur de l'outdoor.
C’est ce qui ressort d’une enquête menée cette année par la ''Déclaration de Berne'', et qui passe sous la loupe l’engagement social et la transparence de 29 entreprises…

Article révélateur: Enquete sur le secteur outdoor…

Pas facile de savoir dans quelles conditions est fabriqué notre matos préféré…

Liération.fr
Économie 18/09/2010
Dans les usines prisons du «Made in India»

«Ici, les filles sont heureuses.» C’est ainsi que reçoit A. Sekar, l’un des dirigeants de KPR. KPR ? Un atelier de la misère, un sweatshop ? Pas officiellement. La preuve, ce jour-là, l’équipe dirigeante nous reçoit avec faste - bouquet de fleurs, haie d’honneur - dans la plus grosse de ses cinq usines. A Arasur, aux abords de la «ville textile» de Coimbatore. Ici, 5 000 personnes sont employées. 90% sont des femmes. Jeunes, très jeunes. Heureuses ? Dina (1) est arrivée dans le monde des petites mains de la confection à 14 ans. Pour un peu plus de 50 roupies par jour, moins de 1 euro. Pendant trois ans, à force d’inhaler des fibres, elles se sont agglomérées dans son organisme. «On m’a retiré une boule de coton de l’estomac», désigne-t-elle, incertaine. Elle n’est pas la seule victime de conditions de travail indécentes (lire page 4) mais elle a eu la chance d’être opérée. Dina, une ouvrière parmi les 250 000 qui officient dans le textile au Tamil Nadu (sud de l’Inde), a travaillé pour KPR. L’entreprise est sous-traitante pour de grandes marques occidentales : Carrefour, Pimkie, Les 3 Suisses, Décathlon, Kiabi (groupe Auchan). Mais aussi Tesco, Walmart, Marks&Spencer. Récemment, trois nouveaux groupes d’importance - Gap, C&A et H&M - lui ont passé des précommandes . KPR double sa capacité de production tous les deux ou trois ans. Et ne se dédie qu’à l’export.

Le Tamil Nadu est l’un des plus gros pôles de l’industrie textile en Inde. Des hôtels chics y accueillent des businessmen venus du Nord du globe. Ils dînent dans des lieux au nom de «Tee-shirt» ou «Polo». Sur les routes goudronnées, d’immenses murs de pierres, parfois ornés de barbelés, dissimulent quelque 7 000 usines. C’est très fier de lui et de son business que P. Nataraj, le numéro 2 du groupe, brandit un polo rouge H&M: «Regardez, ce sont les premiers sortis des lignes !» Le coton brut entre dans les hangars de KPR pour en ressortir transformé en tee-shirts, sweat-shirts, sous-vêtements…

Promesses de dot. Les ouvrières, elles, ne ressortent pas. C’est le système «Sumangali» : 60 000 jeunes femmes en seraient victimes dans le seul Tamil Nadu. Sumangali signifie femme mariée, en hindi. Il y a dix ans, les industriels textiles ont eu cette idée de génie : proposer aux filles issues de zones rurales déshéritées et majoritairement illettrées de venir trimer pour eux. Pas indéfiniment. «Juste» trois ans. Avec la promesse de recevoir à la sortie entre 30 000 et 50 000 roupies (de 500 à 800 euros). De quoi payer leur dot, malgré l’interdiction de cette pratique il y a plus de cinquante ans. A. Sekar justifie cela ainsi :«Avant, ces filles se levaient à 5 heures du matin pour aller chercher du bois. Leur père alcoolique les tapait. Ici, le PDG est comme un père.» Un père qui n’aimerait que les filles. «Elles sont plus disciplinées que les garçons, explique-t-il très sérieusement. Elles ne fument pas, démissionnent moins. Les hommes veulent toujours plus, ils sont attirés par les salaires, ils préfèrent sortir. Ils sont soumis à des influences politiques.»

Enfermées dans l’usine. A KPR, il n’y a pas de syndicats. «100% des filles vivent dans nos foyers, les syndicats ne peuvent pas les contacter, jure le manager. Sans ça, on ne peut pas réussir dans l’industrie.» La moitié des ouvrières du textile sont logées par leur employeur. Au prix d’un enfermement contraint. Les filles peuvent rendre visite à leur famille huit jours tous les six mois. Uniquement lors de festivals religieux. KPR chapeaute aussi une «sortie touristique» mensuelle. Le reste du temps, impossible de quitter leur usine prison. «Si une fille veut rentrer chez elle parce que ses parents sont malades, par exemple, on les appelle pour vérifier, explique A. Sekar. Si ce n’est pas vrai, on ne la laisse pas partir.»

Le site de KPR tient du labyrinthe. On y emprunte des coursives, on croise des surveillantes, on remarque des barreaux aux fenêtres et on surprend des regards. Ce sont les chambres. KPR n’a pas prévu de les montrer. «Elles sont fermées en journée, les filles travaillent», dit un manager. On insiste. Dans l’une d’elle, une fille s’empresse de finir de lustrer le sol. Le carrelage brille. La pièce est vide. Ni chaise, ni table. Des petits casiers tapissent un pan de mur. Des paillasses sont empilées. Les filles dorment à même le sol. A douze, dans 10 mètres carrés.

Dans les ateliers, des centaines de visages aux traits juvéniles. Les ouvrières sourient. Cachent leur visage dans leurs mains. Saluent dans un anglais balbutiant, avant de pouffer. «Nous les recrutons à 18 ans dans des familles très pauvres des zones rurales», jure A. Sekar. 18 ans ? Ranjini et Gayathri, qui s’affairent à ranger des rouleaux de tissu, glissent avoir 16 ans. Sur leur badge, leur date d’arrivée. Il y a un an et demi pour Ranjini, trois mois pour Gyathri. Dans le grand atelier de couture, une ouvrière contrôle la qualité de tee-shirts Waïkiki. Elle est arrivée il y a deux mois. Elle a 17 ans.

La majorité des filles recrutées dans le textile ont entre 14 et 18 ans, assure une ONG indienne, qui lutte contre le Sumangali. Parfois moins. Le travail des enfants est proscrit en dessous de 14 ans. Depuis le début de l’année, les autorités locales ont pourtant recueilli 56 enfants. La partie émergée de l’iceberg. Pure fiction, se défend KPR. «Nous ne faisons jamais faire d’heures supplémentaires au-delà des huit heures quotidiennes», martèle aussi la firme. Dina confie pourtant «avoir dû travailler douze heures deux jours de la semaine», pour rattraper son repos dominical.

Réseau de recruteurs. Pour appâter ses clients, KPR se targue d’avoir une masse salariale très faible, qui pèse 7% du chiffre d’affaires, contre 11 à 12% chez ses concurrents. «Les ouvrières ne restent que trois ans, justifie A. Sekar. Donc les salaires ne sont pas très élevés.» Mieux, ajoute-t-il, «les jeunes filles affichent une productivité de 95%. C’est 20% de plus que dans une usine avec des gens de 45 ou 50 ans». Officiellement, KPR rémunère ses ouvrières 2,90 euros par jour (175 roupies), un peu plus que le minimum légal. Mais une étude à paraître diligentée par des ONG indo-européennes (2) assure que le paiement du salaire minimum n’est même pas respecté. Pis, KPR reprend vite d’une main le peu qu’elle donne de l’autre. Pour la nourriture. Pour les uniformes.

Et rogne sur l’hygiène et la sécurité. Malgré les machines-outils assourdissantes, les filles portent rarement des bouchons d’oreille. Malgré les particules de coton qui flottent dans l’air surchauffé, elles laissent autour de leur cou le tissu censé leur servir de masque. Anémie, asthme, retards de puberté… «Toutes les filles ont des infections urinaires, des problèmes de constipation et des règles irrégulières», dit R.Gayathri, de l’université de Bharathidasane. Dans l’unique infirmerie, quatre lits et un pèse-personne : l’usine emploie un médecin et deux infirmières, pour 5 000 salariés. Beaucoup d’ouvrières, épuisées ou malades, ne tiennent pas trois ans. Et tirent un trait sur la cagnotte promise.

KPR ne fournit pas de contrat à ses employées mais il vend du rêve dans ses brochures. Un modèle «unique», dit P. Nataraj. Où des salariées choyées bénéficieraient de salle de fêtes, de cours de yoga, de scolarisation… «40% du personnel participent aux activités optionnelles», vante P. Nataraj. Avec seulement vingt ordinateurs pour les cours d’informatique ? Ou une piscine pour des filles qui ne savent pas nager ? L’hindouisme, en revanche, n’est pas négociable. Avant chaque prise de poste, 1 500 filles s’alignent pour la prière.

P.Nataraj l’assure : il n’a pas besoin de recruter, tant les candidates affluent. En réalité, tout un réseau de «brokers» sillonne les villages de la région. Payés à la commission: 30 euros par fille embrigadée. Les ouvrières se font abuser, mais les clients de KPR (lire page 3), eux, sont au courant. Ils visitent l’usine au moins deux fois par an, voient les conditions de travail déplorables et constatent les violations des droits humains. Pourtant, P. Nataraj les juge autrement : «Ils sont très stricts.»
http://www.liberation.fr/economie/01012290916-dans-les-usines-prisons-du-made-in-india

Cette série de reportages sur Libé est en effet terrifiante.

Réponse des marques à l'article de liberation.fr:
Économie 18/09/2010
Dans les usines prisons du «Made in India» (article plus haut dans le post)


Économie 18/09/2010 liberation.fr
Les grandes enseignes jouent les ingénues
Analyse

Les clients occidentaux s’abritent derrière leurs chartes ou la fin récente de leur relation avec KPR.

Comment réagissent les grandes marques qui sous-traitent auprès de KPR une partie de leur production textile ? Que répondent-elles face aux nombreuses violations de droits humains constatées par Libération ? Si l’enseigne Kiabi se contente d’assurer «ne plus y travailler depuis six mois», d’autres firmes tentent de se justifier.

Carrefour «La dernière commande en janvier»
«KPR est historiquement un fournisseur important, explique le numéro 2 mondial de la distribution. Mais nous avons progressivement réduit nos commandes.» A la suite d’une visite d’usine fin janvier, avec la Fédération internationale des droits de l’homme - son partenaire depuis treize ans -, Carrefour a même décidé de «cesser de s’approvisionner» chez KPR. «Nous avons passé une dernière commande en janvier, juste avant l’audit», nuance Pierre-Alexandre Teulié, chargé du développement durable. A partir de quand le groupe n’aura-t-il plus affaire à KPR ? Nos demandes sont restées sans réponse. Carrefour se targue d’avoir dix-sept années d’expérience dans la pratique d’audits sociaux. Pourquoi, alors, avoir mis plus de cinq ans à réaliser que les ouvrières de KPR sont confinées à l’intérieur de leur usine ? «Vous rentrez dans le culturel, esquive Teulié. On dit aux filles de venir se faire une dot. Elles ne sortent pas sans être chaperonnées. Culturellement, je peux entendre ce raisonnement.»

Décathlon «Il y a une salle de ciné…»
«Ce qui nous a plu chez KPR, c’est son projet pédagogique et la dimension de progrès social, dit Fabien Brosse, directeur qualité de Décathlon. Ils font faire des études aux salariées, il y a une salle de ciné, la possibilité de faire du sport…» La marque a un bureau à Tirupur. «Nos responsables qualité visitent une à trois fois par semaine les usines.» Tous les ans, un audit externe est effectué. «Il y en a eu trois avant de commencer la relation commerciale en 2007», décrit Fabien Brosse. Ils auraient permis de régler des anomalies liées à la prévention incendie dans les dortoirs et au respect du salaire minimum. Et les pièces de 10 m2 où s’entassent douze filles ? «Ce n’est pas remonté jusqu’à nous», dit Brosse. Décathlon avait bien noté une moyenne de 2 m2 par fille, mais «là, il n’y a pas de cadre légal, botte en touche Brosse. Nos échanges [avec KPR] n’ont pas porté sur les mètres carrés». Et la liberté syndicale ? «Ça ne fait pas partie de notre charte.» Un audit externe a été réalisé en juin 2009 chez KPR… qui a obtenu 100% de conformité avec la charte de Décathlon. L’audit suivant remonte à la semaine dernière. Il aurait «révélé des dysfonctionnements critiques, reconnaît Décathlon. Liés à l’absence de libertés de mouvement, à la rémunération et aux heures supplémentaires». La production aurait été suspendue deux semaines, le temps de corriger ces «anomalies».

H&M «Ils sont libres de quitter l’usine»
La marque suédoise dit avoir envoyé des auditeurs chez KPR. «Les ouvrières confirment qu’elles reçoivent le salaire qui leur est dû et sont libres de quitter l’usine quand elles veulent, assure H&M. Les responsables de notre code de conduite ont rencontré le management [de KPR] dans notre bureau de New Delhi. Il nous a assuré qu’il n’appliquait pas le système Sumangali», dit des «camps de travail».

C&A «Nous n’y avons jamais travaillé»
Lors de notre visite chez KPR, nous avons pu voir des tee-shirts et des leggings en coton produits pour C&A. Pourtant, l’enseigne nie tout partenariat : «Nous n’y avons jamais travaillé.» Parade : il s’agissait d’échantillons, et la commande aurait été passée par un intermédiaire, un importateur européen. C&A ne s’assure-t-il pas du bon respect de son code de conduite tout au long de la chaîne ? D’après la marque, un audit social aurait été effectué «en août», et aurait conclu à l’existence du système Sumangali. C&A affirme avoir «transféré la production des 58 000 échantillons» chez un autre fabricant.

Gap «De grandes inquiétudes»
«Ce que nous avons entendu de votre part est source de grandes inquiétudes, nous assure l’enseigne. Nous avons immédiatement envoyé nos représentants pour enquêter.» Gap tient à préciser qu’elle n’a commencé à travailler avec KPR qu’en juillet, «après avoir procédé à l’évaluation complète de l’usine».
http://www.liberation.fr/economie/01012290913-les-grandes-enseignes-jouent-les-ingenues

Réponse du groupe Oxylane (Décathlon/Quechua):


Oxylane demande aujourd'hui à tous ses fournisseurs de s'engager sur le respect des critères définis dans le cadre de sa politique de responsabilité sociétale. Ces exigences portent en priorité sur le respect des droits de l'homme: salaires minimums, non discrimination, interdiction du travail des enfants, normes minimales d'hygiène et de sécurité…Les critères d’exigence contrôlés, inspirés notamment par la déclaration Universelle des droits de l’Homme et par l’Organisation Internationale du Travail sont disponible sur notre site internet

Les 1000 collaborateurs d'Oxylane présents dans nos 17 bureaux de production dans le monde effectuent des contrôles réguliers chez nos sous-traitants pour garantir le respect strict et permanent de ces critères de qualité. Ils sont accompagnés dans cette démarche par un organisme extérieur indépendant (Intertek)

Nous considérons nos fournisseurs comme des partenaires que nous souhaitons accompagner durablement dans une démarche de progrès quand nous constatons un non-respect des critères de la charte. Exception faite du travail des enfants

KPR comme tous nos autres fournisseurs, en Europe ou en Asie, est soumis régulièrement à des contrôles . Ceux ci ont lieu toutes les semaines par nos équipes locales.et portent sur l'hygiène et la sécurité.

Chaque année nous réalisons des audits approfondis portant sur le management et l'organisation. Depuis 3 ans, les contrôles effectués chez ce fournisseur ont d'ailleurs permis d'améliorer la situation.



Cependant, le dernier audit mené chez KPR en Inde a révélé des dysfonctionnements. Nous avons donc décidé d'arrêter toute relation commerciale en attendant que le fournisseur agisse sur les problèmes rencontrés. Si aucune amélioration n'est constatée, nous cesserons de travailler avec lui. En revanche, si les réponses et les actes suivent nous continuerons.
Cordialement


Martine Coupet, Directrice relation clients
L'équipe DECATHLON-FR reste à votre écoute.

Réponse lu sur C2C

La dernière usine de ski en France…
Dynastar à Sallanches (74)


C’est de nouveau l’embellie du côté de chez Dynastar. Depuis l’arrivée fin 2008 de Bruno Cercley à la tête de Rossignol, le leader mondial aux 850 000 paires de skis - ici au pied du mont Blanc, il a fallu un peu de temps, mais désormais les 200 salariés et 40 intérimaires ont vu leur moral sérieusement remonter la pente.

Eux qui l’an passé, ne l’oublions pas, ont dû faire face à des périodes de chômage technique ou partielle. Bref, depuis que le patron du groupe Rossignol, Bruno Cercley a missionné Mimmo Salerno à Sallanches, de grands changements sont apparus et pas des moindres. D’où la visite du président de la Région Rhône-Alpes, Jean-Jacques Queyranne, hier en fin d’après-midi sur le site sallanchard.

Un site industriel à nouveau pérenne, compte tenu qu’il devient la seule usine désormais en France à fabriquer des skis. Si bien que le groupe Rossignol-Dynastar va lui donner une vocation de pôle d’excellence. Comprenez il s’agira de sa vitrine technologique avec vue imprenable sur le toit de l’Europe, fabriquant ce qui se fait de mieux sur le marché.

On est dans du haut de gamme. Certaines paires coûtent pas moins de 900 €. Et dans cette première étape de stratégie industrielle, la relocalisation de 60 000 paires de skis junior jusque-là fabriquées à Taïwan est, outre un choix délibéré de maintenir un savoir-faire sur mesure en France, mais aussi une volonté désormais clairement affichée par le groupe et son Pdg Bruno Cercley, de sécuriser l’emploi et de pérenniser le site.

Et ce n’est pas non plus un hasard si Sallanches accueille désormais un “Race Center”. En clair, un atelier de préparation de course grand public destiné aux champions à l’instar d’un Aurélien Ducroz et aux clubs de ski et comité de compétition. « Nous sommes sur un lieu hautement stratégique -le pays du Mont-Blanc- pour déceler des champions qui porteront notre marque.

On a donc envers eux cette obligation d’être les meilleurs. C’est pourquoi, plus que jamais, nous allons renforcer cette activité de service », précisait Bruno Cercley. D’ailleurs dans une semaine le “Race Center” sera inauguré en présence de tous les clubs de la région.

Article du ledauphine.com du 25/09/10
http://www.ledauphine.com/haute-savoie/2010/09/24/60-000-paires-de-skis-a-nouveau-fabriquees-chez-dynastar