Liverpool Land - Groenland Groenland

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Durée : 2 à 4 jours

Difficulté : Moyenne

Pulka : non accessible

Liverpool Land - Véritable joyau arctique
Situé par 70 degrés de latitude nord et 22 degrés de longitude ouest, gardant l’entrée du Scoresbysund, le plus grand fjord au monde, le Liverpool Land comprend un territoire qui s’étend sur près de 100 km le long de la côte est du Groeland pour une largeur d’une quarantaine de kilomètres.

Au contraire de l’immense calotte glaciaire qui recouvre la majorité du territoire groenlandais, deuxième plus grande au monde après l’Antarctique, le Liverpool Land constitue un véritable petit joyau au caractère très alpin qui concentre sur sa modeste superficie à peu près tout ce qui peut être offert au voyageur passionné des régions arctiques. Sommets granitiques acérés et platrés en hiver, calottes et vallées glaciaires, fjords profonds et encaissés, glaciers vêlants, banquise, pack et hummocks, icebergs dérivants, tout n’est ici qu’un enchantement sans cesse renouvelé.

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De Constable Point, improbable aéroport constitué d’une modeste piste englacée entourée de trois hangars en tôle et d’un sobre assemblage de portakabins, nous semblons un peu débarqué au milieu de nulle part et plutôt fraichement accueilli (-20 degrés). Pourtant, cette ancienne base de recherche minière sert aujourd’hui de relai héliporté jusqu’au village « d’Ittoqquortoormiit », hameau « Inuit » situé 40 km plus au sud et dernier rassemblement humain sur la côte est. Plus au nord, 1500 km de côte vous attendent où vous ne trouverez plus trace de vie humaine permanente.

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A l'assaut du Liverpool Land
Un ciel parfaitement clair, bercé par la lumière d’un généreux croissant de lune, présageait d’une nuit froide, très froide… -35 degrés !
Ce matin un franc soleil vient peu à peu caresser nos tentes, nous procurant rapidement une agréable sensation de douceur. Après la traversée du « Hurry fjord », il est temps ce jour d’achever notre remontée de la vallée du Seedal et d’attaquer les premiers ressauts morainiques qui doivent nous mener au pied du « Bjerning Pederses Gletscher », de ses premières pentes soutenues, de son col à franchir, sorte de porte d’entrée du Liverpool Land. Et 50 kg à tracter dans les raidars qui se succèdent nous plongent très vite dans la réalité physique de cette « Haute Route arctique ».

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On entre cette fois dans le vif du sujet. Le glacier est là qui nous attend de sa pente, soutenue au début et qui va s’arrondissant au fil des kilomètres parcourus. Le paysage devient rapidement très alpin, immense, immaculé d’une neige fraichement tombée. Il faut désormais faire la trace, tâche certes ardue, mais l’âme alerte tant les lieux apparaissent extraordinaires. L’impression de solitude vous gagne soudainement. On se prend alors pour les premiers conquérants d’un territoire qui s’offre à vous, vierge de toute trace humaine. On ne croisera d’ailleurs ni trace ni personne pendant presque tout notre périple en ces lieux.

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Emmitouflés dans nos multiples couches, cagoule, bonnet, masque et lunettes, la marche devient aussi intérieure, propice à l’introspection. La pente s’adoucit mais le col semble encore fuir devant nous au fur et à mesure de notre avance. Imperceptiblement pourtant, la pente s’inverse, la descente commence, on trace notre sillon évitant soigneusement les reliefs trop prononcés susceptibles de nous cacher ses pièges crevassés. A la jonction de deux glaciers nous installons notre 4ème campement.

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Coup de redoux, nuages et quelques centimètres de neige fraîche à la clef, le camp se réveille dans le coton. 300 m de dénivellation nous attendent à nouveau pour gagner le prochain col qui nous tend les bras. Et pourtant il faudra les gagner de haute lutte ces 300 mètres, pour hisser nos traineaux dans cette neige profonde. Le soleil n’est déjà plus très loin, qui s’infiltre entre les nuages, tissant de ses rais de magiques mais éphémères toiles lumineuses.

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Nous côtoyons les sommets les plus haut du massif (1430 m), puissantes cimes telles des cathédrales. De leur sommet courent d’incroyables arêtes ciselées par une suite d’innombrables aiguilles dressant leurs aspérités vers le ciel tels des minarets alignés en rang.

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La route se poursuit, il nous faut gagner le pied du glacier, éviter son immense front par une moraine latérale.

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Nous franchissons à son pied une ligne de fracture, sorte de rimaye entre la banquise et la côte, nous pénétrons sur la mer. Nous voilà marins, naviguant avec nos frêles esquifs. Nous jetons l’ancre pour notre 5ème campement.

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Croisière en mer
Ce matin, alors que ma tête émerge de la tente, le temps semble s’être arrêté. La configuration des lieux baignés dans la lumière matinale m’abassourdi. L’impression est inqualifiable, les lieux surréalistes… Un immense front glaciaire en guise de front de mer, une banquise immaculée, ouatinée, baignée dans une légère brume illuminée d’un soleil encore rasant, c’est à vous couper le souffle ! Je reste sans voix, m’emplissant de la magie des lieux.

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Cap à l’est pour gagner le large. La neige toujours très profonde limite notre allure à moins de 2 nœuds. La mer est cependant « d’huile », figée, lisse. Passé un premier promontoire, le vent a fait son œuvre, la banquise se durcit, l’allure augmente. Nous laissons l’île de Rathbone à l’est et la journée s’achevant déjà, au milieu de nulle part, nous arrêtons nos embarcations pour ce 2ème bivouac en pleine « mer ».

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Notre « croisière » se poursuit jusqu’à contourner les deux ilôts « Parker » bien détachés de la côte.

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Le large est à portée de spatules et l’état de la mer s’en ressent. Comme toujours, au contournement d’un cap, elle s’agite, tiraillée entre les forces des courants et des vents. Sous ces multiples contraintes la banquise se déchire, se tord, s’agglomère… c’est le chaos. Notre progression se transforme en un jeu plutôt amusant, cherchant notre passage au travers des innombrables « hummocks ».

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Sous la douce lumière d’un soleil déclinant, mètres après mètres nous avançons vers l’étrange…

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Le Monolithe…
Surgi sur notre horizon, l’objet grandit imperceptiblement, guidant vers lui notre route comme une force d’attraction incontournable. Bientôt à son pied, dans un grand silence, je m’arrête, stupéfait, interrogateur, face à cette masse si imposante… Résonne alors l’appel des trompettes, le bruit profond de l’alternance des timbales, les sons de la révélation … souvenez-vous … L’œuvre empruntée à Richard Strauss… « 2001 l’Odyssée de l’espace ».

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Retour à notre pauvre condition ! Installé là au pied du monolithe, à l’abri de notre tente mess, il nous faut reprendre notre quotidienne et dérisoire « guerre du feu », modeste lutte, allumettes à la main, à tenter de dominer nos réchauds MSR un peu récalcitrant.

Aurores boréales
Cette nuit le ciel est, encore une fois, totalement étoilé, partageant son espace avec une lune bienveillante. Au détour d’un regard vers un sommet, un immense frisson me parcourt de la tête au pied. Commence à virevolter au-dessus de nous d’immenses et étranges draperies, d’abord d'un timide vert pâle, évoluant en de lentes ondulations avant que, soudain, elles ne s’embrasent en un somptueux feu d’artifice. Dans une succession de couleurs, l’étrange ballet luminescent s’amenuise bientôt pour reprendre de plus belle un peu plus tard.

Cimetière englacé !
Nous remontons lentement le « Vjele fjord ». D’abord parsemés de rares icebergs isolés, au fur et à mesure de notre avance, ils se font toujours plus nombreux pour finir dans un véritable encombrement.

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Au gré des courants, ceux-ci semblent venus chercher ici un abri, avant de se faire piéger dans l‘étroitesse du fjord, tels des poissons pris dans leur nasse.

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L’hiver venu, la banquise s’est refermée sur eux et c’est alors que s’est créé cet incroyable univers carcéral. Nous louvoyons au travers de cette multitude de temples englacés, aux architectures souvent surprenantes, toujours imposantes.

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Le fjord se rétrécit et bientôt nous franchissons les portes du pénitencier, laissant dernière nous, à leur lente agonie et à leur destinée, ces masses majestueuses.

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Porte de l’enfer alors que peut surgir le vent, la neige et la tempête ! Porte du paradis aujourd’hui, sous cette tendre et trop parfaite lumière ! La limite est si ténue…Poussières, nous retournerons à la poussière ! Eau, ils retourneront à l’eau…

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Nous avons repris notre haute route, laissant derrière nous la mer, pour se hisser à nouveau par la moraine sur un ultime glacier qu’il nous faut encore remonter.

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La pente s’est à nouveau sérieusement accentuée nous forçant à tracer très laborieusement, pas après pas, notre minuscule sillon. Puis encore une fois, la pente s’est adoucie, mais encore une fois, un col pouvant en cacher un autre, son franchissement semble se refuser à nous…. Ah ces distances trompeuses !

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Enfin atteint, le paysage s’ouvre à nous vers le nord du massif, avec en point de mire un magnifique sommet parcouru sur son flanc par un splendide et interminable couloir, courant de son point culminant ensoleillé jusque dans ses profondeurs ombragées. A faire rêver le premier amateur de ski de pente raide venu !

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L'Ursus maritimus !
Nous ne l’avions pas croisé au Spitzberg, on l’avait presque oublié, l’ours polaire. Tant il est vrai que la raison nous pousse à penser qu’il doit chasser plus au large, à la faveur d’une banquise fracturée où le phoque émerge alors des profondeurs pour se prélasser sur la glace.

Et puis soudain, là devant nos spatules, une trace, une incroyable trace surgie droit d’en haut, du cœur du massif, se jouant d’un imposant passage crevassé, et dévalant la pente pour courir vers le fond du fjord, là-bas vers la mer. Pas de doute, il ne peut s’agir que d’un ours, certes jeune à en juger l’envergure de l’empreinte, mais où l’on distingue clairement la marque de ses griffes. Plus encore, cette trace est relativement fraîche, peut-être même très fraîche. Un regard sur la carte me porte à la quasi certitude que, vu la configuration des lieux, son parcours à dû croiser le notre quelques jours plus tôt, plus au sud. Juste une question de timing… mais il faut se rendre à l’évidence, nous n’étions pas totalement seuls dans la région.

Constante contrainte de ces régions, pouvait-on compter sur le flair de Nina, notre chienne polaire, sur le fusil à portée de main ? Vigilance, tel reste l’enseignement !

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Dernier jour, dernière étape sous un franc soleil aux rayons caressants, un ciel serein. A mes côtés file à bonne allure, haletante et piquant régulièrement sa truffe dans la neige pour se désaltérer, Nina, notre chienne groenlandaise, notre traction 4x4 pattes intégrale qui, pour une fois, tracte ma pulka alors que je glisse sur mes skis dans une légèreté retrouvée vers notre destination finale. Je savoure ces instants de partage privilégiés avec elle, dans cette silencieuse complicité alors qu’elle me jette régulièrement son regard de coin.

fleche_droite.png Expédition réalisée du 19 mars au 2 avril 2010
fleche_droite.png Guide : Michael Charavin
fleche_droite.png Blog : www.mermontagne.blogspot.com

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