Portrait : Guillaume Laget, le photographe des balcons

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Régis Cahn

Régis Cahn

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Non loin des territoires du ski de moyenne montagne, Glag se faufile sur les crêtes et les balcons pour jouir des premières lueurs du jour.

Boîtier photographique à la main, il grimpe sur les Préalpes pour figer les humeurs de la brume, du soleil et des étoiles. Il écume les vires, les sentiers cachés et immortalise l’instant.
A l’instar du ski libre, Glag sort des sentiers tracés…
Très tôt le matin, il quitte Grenoble et file vers les cimes. Pour lui, l’appel de la montagne est fort et, plus fort encore, son besoin de partager sa passion. Son talent est de nous faire découvrir les faces cachées de massifs proches que nous pensions si bien connaître.

« J'arpente les massifs à la recherche des plus vives couleurs des levers et couchers de soleil. Les marches de nuit à la lumière de la lune ou à la frontale, le silence, la douceur d'un coucher de soleil en été ou le froid vif du vent hivernal sur une crête, l'impression d'être seul au monde éveillé à profiter du spectacle du jour qui monte… des sentiments forts que j'espère faire ressortir un peu de mes photos. »

Nous l’avons rencontré. Les yeux de Guillaume Laget brillent de mille feux lorsqu’il évoque sa passion. Nous vous proposons de sortir des pistes balisées et de faire sa connaissance.

Sous le Grand Veymont - Vercors - Photo Guillaume Laget

Interview de Guillaume Laget :

SRN : tu es arrivé sur Grenoble en 1997, comment as - tu découvert la montagne ?

Glag : un peu par hasard. En tout cas je n'y suis pas arrivé pour les montagnes contrairement à beaucoup de nouveaux venus. Mais seulement parce que la fac de mathématiques y avait bonne réputation…
La première année, je n'ai fait que deux ou trois randonnées. Et c'est un appareil photo, offert pour un anniversaire, qui a tout déclenché.
Je me suis alors essayé un peu à tous les styles pour trouver rapidement un thème de prédilection : les sommets, les crêtes, éclairés par les premiers et les derniers rayons de la journée…
Depuis, je n'imagine pas aller en montagne sans appareil photo, ni de faire des photos urbaines ou des portraits.

SRN : tu t’es vite tourné vers le Vercors qui rapidement est devenu ton massif de prédilection. Peux-tu nous expliquer ta démarche ?

Glag : au début, je visitais tous les massifs proches de Grenoble (Chartreuse, Belledonne, Ecrins). Diverses raisons m'ont progressivement attiré vers le Vercors : le livre "Le Vercors d'en Haut"* évoquant la réserve des hauts-plateaux, l'histoire riche de ce massif, ses routes en balcon accrochées aux falaises, l'aspect sauvage et désert de la plus grande Réserve Naturelle de France dans le sud-est du massif…
Mais je crois que le vrai déclencheur a été une randonnée aux rochers du Playnet, à l'entrée des hauts -plateaux, avec des conditions sublimes de coucher de soleil au-dessus des nuages, qui m'a vraiment révélé le coin.
Le fait de ne pas trouver beaucoup de photos ni de topo du Vercors oriental, à l'exception du secteur du Grand Veymont et du Mont Aiguille, m'a d'autant plus motivé à approfondir le sujet…
Pendant 3 années, je me suis concentré sur ce massif, avec comme objectif d'en parcourir tous les Pas de la falaise orientale. Et j'y retourne depuis très régulièrement.

Montagne de Beure - Vercors - Photos Guillaume Laget

SRN : en apprenant à te connaître, on a l’impression que tu prends autant de plaisir à être sur le terrain qu’à partager tes superbes clichés et a exposer ton art…

Glag : je passe plus de temps à faire des photos qu'à les présenter…
Je ne recherche pas vraiment activement les expositions, je participe très peu aux concours de photos.
Par manque de temps : si j'ai un peu de temps à consacrer à la photo, je préfère que ce soit au niveau des prises de vue !
Jusqu'en 2003, je ne montrais quasiment pas mes images, sauf à quelques amis. Mais l'idée de publier un livre sur le Vercors trottait dans ma tête. Après plusieurs refus d'éditeurs, je me suis lancé et j'ai sorti "Vercors lumières du Balcon Est".
Il a été très bien reçu au niveau régional malgré sa faible diffusion à l'extérieur du massif. Il existait peu de livres de photos sur le Vercors.
Le partage de ces images, via des livres, des revues, des forums ou mon site internet est important. Quand les ambiances et les paysages que je cherche à mettre en valeur sont appréciés, je suis évidemment ravi ! Et à quelques reprises, cela a été un grand plaisir d'entendre des habitants et des grands connaisseurs du Vercors dire que je leur faisais redécouvrir le massif. Mais, néanmoins, faire de nouvelles images reste plus important que de montrer les anciennes !

Lever de soleil sous Soeur Agathe - Balcons Est du Vercors - Photo Guillaume Lage

SRN : on croit savoir que, lorsque tu vas sur le terrain, tu emmènes qui veut bien te suivre ?
Quelle est ta relation avec autrui par rapport à tes travaux ?

Glag : mes images imposent des contraintes assez fortes : lever très matinal, bivouac glacial, marche de nuit…
Du coup, je me retrouve très souvent seul en randonnée, et je m'en accommode très bien. Mais, au fil des rencontres, des discussions sur les forums, j'ai croisé des gens intéressés par la photo ou simplement par les ambiances de ces moments magiques en montagne, au milieu du paysage qui se réveille. Depuis quelques mois, je sors plus fréquemment accompagné, jamais en grand groupe : 2, 3 personnes au maximum. C'est bien entendu l'occasion de discuter montagne ou photo, d'augmenter un peu la sécurité, et aussi d'intégrer, dans le paysage, un randonneur pour marquer la dimension des lieux. Cela dit, l'aspect photo reste prioritaire et j'ai souvent des envies très arrêtées sur le lieu qui m'inspire, en fonction de la saison, de la météo… je me décide en général la veille au soir, voire le matin même, ce qui ne facilite pas les sorties à plusieurs.

Plateau de la Molière - Vercors - Photo Guillaume Laget

SRN : tu es professeur de mathématiques, est-ce que tu souhaites vivre de ta passion ?

Glag : je le fais, en fait, puisque l'enseignement en est une autre !
Je me suis posé des questions, il y a quelques années, mais la situation actuelle me convient finalement tout à fait. J'aime bien les maths, j'adore enseigner, et mon travail, avec les étudiants, plutôt agréables, me manquerait (sauf, quand même, certains matins où je devine le soleil au-dessus des nuages, depuis une salle de cours !)
Je conserve une liberté totale dans le choix de mes sujets : plusieurs éditeurs m'avaient dit que le Balcon Est du Vercors n'était pas un sujet assez porteur. De même pour le Dévoluy. Les photos nocturnes ne sont pas faciles à vendre…
Avoir un travail, à côté, me laisse toute liberté pour m'intéresser à un sujet sans avoir en tête des questions de rentabilité et de commerce, et la passion reste ainsi une passion. Ensuite, si les images plaisent, tant mieux, si elles se vendent, c'est encore mieux, mais ce n'est pas la finalité première de mes sorties.

Pas Etoupes - Balcons Est du Vercors - Photo Guillaume Laget

SRN : revenons à tes photos. La recherche des plus beaux clichés ne t’empêchent-elle pas, ne serait-ce que l’espace d’un instant, de profiter des lieux, comme un randonneur contemplatif ?

Glag : c'est possible…
Pendant les minutes les plus intenses de la journée, quand la lumière change très rapidement, je suis effectivement très concentré sur la photo. Mais durant la marche d'approche nocturne, lors du retour sous une lumière moins photogénique, moments bien plus longs que la séquence "prise de vue", je redeviens un randonneur attentif aux paysages et aux animaux rencontrés, sans avoir à l’esprit l'aspect "photo".

But de Nèves - Vercors - Photo Guillaume Laget

SRN : peux-tu qualifier ton rapport à la nature ?

Glag : ambigu, malheureusement…
J'apprécie la nature, et je vis en ville. Dans la vie de tous les jours, j’essaye de minimiser mon impact, par la consommation de produits locaux ou biologiques, par l'utilisation des transports en commun…
Mais pour ce qui est de la photo, entre les contraintes "lumineuses" qui me font partir et revenir dans des endroits et à des horaires sans transports en commun, et une vie de famille et un travail qui m'interdisent de fréquents bivouacs, j'utilise une voiture, dans laquelle je suis souvent seul, pour aller faire mes images.
Au moins les photos sont-elles prises à proximité de Grenoble, pas de trajets en avion…
Durant les randonnées, je suis bien entendu attiré surtout par les espaces naturels les plus préservés, sauvages, peu fréquentés, et je ne pense pas y apporter un dérangement important, ni comme randonneur ni comme photographe… j'évite en hiver les zones les plus sensibles (refuges de la faune), je ne laisse pas de traces…
Et mes images, si elles peuvent avoir un petit impact négatif en incitant à la fréquentation, en auront aussi un positif en motivant à préserver ces quelques coins de nature. Mais je suis assez pessimiste quand même au final sur leur impact réel et concret..

Sur les hauteurs de Gresse-en-Vercors - Photo Guillaume Lage

SRN : dans tes actions photographiques, c'est toujours l'élément nature qui est pris en compte : un paysage, des animaux, quelques fois mais, rarement, des humains. Peux-tu nous expliquer le sens de ta démarche ?

Glag : sans doute parce que c'est la nature, la montagne qui m'intéressent, et pas les constructions humaines, ni les humains qui s'y promènent. J'utilise en général l'humain pour indiquer l'échelle, marquer le sentier, sur une photo, mais il n'est jamais le sujet principal.

Montée au Jocou - Diois - Photo Guillaume Laget

SRN : en t’écoutant, on a le sentiment que ta passion te porte au gré des massifs. Tu as débuté par les balcons Est du Vercors, puis par la Chartreuse et le Dévoluy. Tes travaux sont actuellement orientés sur les photos nocturnes. Quel est le sens de ton cheminement ?

Glag : un point qui est certain, c'est que je préfère toujours approfondir un sujet plutôt que d'en découvrir un nouveau. Quand j'ai en tête une image, un lieu, un cadrage, je peux y retourner cinq fois, dix fois jusqu'à y trouver les bonnes conditions pour une image.
Je n'ai aucun attrait pour les voyages lointains. Les massifs de l'Isère et les Hautes-Alpes suffisent à mon bonheur ! Et c'est probablement un avantage : je commence à bien savoir anticiper les conditions idéales (orientation du soleil, phénomènes météo locaux, …) dans les coins que je connais. Je peux retourner facilement de nombreuses fois en un lieu jusqu'à en ramener une photo intéressante. Chose qui serait impossible si je "découvrais" une nouvelle randonnée, un nouveau massif, à chaque fois. C'est là encore un avantage de l'amateur sur le pro qui doit couvrir un grand nombre de sujets, de massifs, avec des contraintes de temps fortes.

Le Mont-Aiguille - Vercors - Photo Guillaume Laget

SRN : est-ce la verticalité qui t'attire ? On a l'impression que les territoires photographiés sont réservés… aux bons marcheurs !

Glag : oui, la verticalité, certainement… je m'ennuie très vite à marcher sur du plat. Je ne suis ni grimpeur ni alpiniste, mais j'aime bien les cheminements escarpés, les pierriers, … Et du point de vue de la photographie, j'aime les falaises pour le relief qu'elles donnent aux images. Je me retrouve tout à fait dans les massifs pré-alpins (Vercors, Chartreuse, Dévoluy) où le randonneur arrive à passer partout et atteindre les sommets, ce qui est plus rarement le cas en haute-montagne. Mais il m'arrive aussi de visiter et de revisiter des points de vues d'accès rapide et facile : la difficulté technique n'est pas un but en soi !

Vue depuis le Moucherotte - Vercors - Photo Guillaume Laget

SRN : que doit-on retenir de toi ?

Glag : que j'aime montrer les paysages de mes régions sous leurs meilleurs
aspects ?

SRN : tu nous as indiqué que tu n'utilises pas de filtres…. on a pourtant l'impression que certaines vues sont irréelles…. pourquoi ?

Glag : j'évite au maximum l'usage des filtres… sur mes images récentes, ils sont très rares. Il n'y a pas non plus de traitement numérique pointu ; la plupart des images ont le rendu direct de la diapositive (pour les images argentiques) ou du jpeg fourni par le boitier, à peine modifié (pour les images numériques).
Mais l'impression d'irréalité explique bien pourquoi c'est tôt ou tard que je sors…les lumières de levers et de couchers de soleil sont brèves mais intenses et variées, et ne ressemblent pas à ce qui se voit en journée…
Le but étant bien sûr de profiter de ces lumières en des lieux, lors de phénomènes (mers de nuages par exemple) magnifiques, de sorte que l'image ne montre, en fait, qu'une partie des sensations vécues !

Vue depuis le Jocou - Diois - Photo Guillaume Laget

« A force de levers matinaux, de bivouacs…j'ai découvert la photo nocturne, la photo à la lumière de la lune et des étoiles. »


Découvrez son site www.tetras.org et ses fabuleuses photos !
N’hésitez pas à feuilleter et à acheter ! les livres de Guillaume Laget dit « GLAG »
- Vercors : lumières des Balcons Est
- Objectif nuit
Il nous fait la surprise de sortir très prochainement un nouvel ouvrage consacré au Vercors ! Il a été conçu avec la collaboration de Mathieu Dubois, photographe du Royans et Luc Mortier, accompagnateur en moyenne montagne. Ce beau livre intitulé "Vercors" sera sur les étales des libraires à la mi-novembre.

Un passionné à suivre de près ! On en reparlera….


*Bibliographie : Le Vercors d'en haut : la Réserve naturelle des hauts-plateaux - Avec un texte de Daniel Pennac aux éditions Milan.


Crédits photos : Copyright - Guillaume Laget

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